Du sans col aux 100 cols

Ma cécité, due à une maladie génétique déclarée à l’âge de 20 ans, a métamorphosé
ma vie. Je suis devenu une personne singulière alors que j’aurai pu être un sportif
amateur tout-à-fait ordinaire. En 2004, lors d’un forum des associations à Cergy,
ma fille cadette âgée de 8 ans, découvrait un surprenant engin à deux selles et deux
roues sur le stand de l’Union Sportive Cergy Cyclotourisme. En touchant, j’ai tout
de suite compris que cette étrange monture était en réalité un tandem. Celui-ci appartenait
à un adhérent du club et voici comment tout à commencé. Evidemment, au plus profond
de moi, je rêvais de faire du cyclotourisme en tandem et en mettant sur ma route
cette monture, serait-ce une coïncidence ou la marque du destin ? Ensuite, ce fut
la rencontre d’une personne qui m’a mis en selle, je lui dois mes premiers tours
de roues et il m’a transmis le virus du cyclotourisme. Depuis, cette passion ne
me quitte plus. Comme disait le poète Paul Eluard, il n’y a pas de hasard, il n’y
a que des rendez-vous». Force est de constater que l’influence de certains événements
ou rencontres bousculent le cours de nos vies.
Au sein de l’U.S. Cergy Cyclotourisme, au moins trois personnes, de surcroît pilotes
de tandem, faisaient partie de la confrérie des 100 cols et leur objectif, qui me
semblait au demeurant déraisonnable, était que j’adhère également à cette corporation.
Pour y entrer», il faut de la ténacité et un mental à toute épreuve puisque les conditions
exigées par les responsables de cette association, crée en 1972, sont loin d’être
faciles. Les prétendants doivent franchir à vélo au minimum 100 cols différents dont
5 de plus de 2000 mètres d’altitude.

Tout a commencé lors du brevet randonneur du Jura, le 16 juin 2006, une date qui
restera à jamais dans ma mémoire.
C’était un samedi en tout début d’après-midi, le ciel avait mis son plus bel azur,
le soleil était au zénith et 20 kilomètres après Lons-le-Saunier, je franchissais
mon premier col, le col de la Percée culminant à 580 m. Il n’était certes pas bien
haut et difficile mais pour moi il revêtait beaucoup d’importance car c’était le
tout premier d’une longue série. Par la suite, au cours des autres années, de nouveaux
cols se sont ajoutés en participant à des brevets montagnards dans les Vosges et
dans les Aravis, des semaines cyclotouristes organisées par mon club en Bretagne,
Ardèche, en Auvergne, dans le Lot et surtout le fameux tour de Corse effectué en
2011. Ironie du sort, le dernier col franchi fut le 21 septembre 2013, le lendemain
de mon anniversaire, lors d’un week-end cyclotouriste à Châtel-Censoir, le pétillant
col du Crémant dans l’Yonne.
Je remercie très chaleureusement mes pilotes, Alain, Eric, Jean-Pierre, Jean-Marc,
Michel et surtout Stéphane avec qui j’ai franchi la moitié des 114 cols qui ont été
escaladés en tandem.
J’avais pratiquement atteint mon quota de cols pour entrer dans la confrérie mais
il manquait les cerises sur le gâteau, les fameux cinq cols à plus de 2000 mètres
d’altitude. Stéphane, mon pilote des grandes aventures, m’avait convaincu l’an passé
de participer au super brevet alpin de cyclotourisme dans le dessein de monter au
plus haut des cieux pour atteindre quatre cols de plus de 2000 mètres. Les légendaires
Croix de Fer, Collet du Plan Nicolas, Galibier et Lautaret furent gravis. Le cinquième
fut escaladé la veille du brevet, le col du Sabot culminant à 2100 mètres. Celui-ci
situé dans l’Isère est certes beaucoup moins connu que ses illustres voisins mais
je peux vous garantir qu’il est fort ardu.

Voilà maintenant, grâce à vous mes pilotes, je suis fier d’appartenir à cette confrérie.
Que d’émotions, que d’efforts mais avant tout du plaisir, du partage, de la complicité,
de la solidarité furent les maîtres mots de cette aventure qui, au-delà de l’aspect
sportif, m’ont permis de vivre ma passion et une partie de mes rêves. Je terminerai
par une citation de Paolo Cuelo : « C’est justement la possibilité de réaliser
un rêve qui rend la vie intéressante ».

Joseph AGRO
U. S. Cergy Cyclotourisme